Dans une tribune publiée ce dimanche 23 février par The Sunday Times, l’un des principaux journaux sud-africains, l’ancien président congolais Joseph Kabila a estimé que la crise en RDC nécessite plus qu’une solution militaire.
À en croire Joseph Kabila, compte tenu de l’histoire de ses États membres, la SADC devrait mieux comprendre les doléances du peuple congolais envers son gouvernement, lesquelles doivent être prises en compte.
Parlant de ses relations avec l’actuel président de la RDC, Félix Tshisekedi, Joseph Kabila a affirmé que ce dernier a rapidement démantelé l’accord qui sous-tendait la nouvelle configuration politique.
“Au début de l’année 2019, l’Afrique et le monde entier ont salué le premier transfert pacifique de pouvoir entre un président sortant et un président entrant en République démocratique du Congo (RDC). Malheureusement, ces applaudissements furent de courte durée, car le président Félix Tshisekedi a rapidement démantelé l’accord qui sous-tendait la nouvelle configuration politique”, a-t-il déclaré.
Et d’ajouter : “Depuis lors, la situation en RDC s’est détériorée, atteignant un point critique où le pays est au bord de l’implosion en raison de la guerre civile qui menace de déstabiliser toute la région. Si la crise et ses causes profondes ne sont pas correctement abordées, les efforts pour y mettre fin seront vains.”
Par ailleurs, selon Joseph Kabila, pour rétablir la paix et la stabilité dans les régions de l’est de la RDC, il est crucial de résoudre la question des groupes armés nationaux et étrangers présents sur le sol congolais. Cependant, contrairement à ce que souhaitent faire croire les autorités de Kinshasa, la crise ne se limite ni aux actions malavisées du M23 – présenté de manière trompeuse comme un groupe d’anarchistes sous-traitant pour un État étranger sans revendications légitimes – ni aux différends entre les deux pays voisins, la RDC et le Rwanda.
“La crise en RDC, qui remonte à 2021, est multidimensionnelle. Elle est à la fois sécuritaire et humanitaire, mais surtout politique, sociale, morale et éthique. Cet aspect est minimisé, voire ignoré, par les pays partenaires et les organisations de la RDC, y compris la SADC”, a rappelé l’homme de Kingakati.
Dans la foulée, Joseph Kabila estime qu’au niveau national, la cause principale de cette crise réside dans la volonté manifeste des dirigeants actuels de la RDC de rompre le Pacte républicain.
“Cet accord, issu du dialogue intercongolais de Sun City, a abouti à une constitution adoptée par référendum populaire en 2006. Ce pacte, véritable socle de stabilité et de cohésion nationales, facilité par les anciens présidents Quett Masire du Botswana et Thabo Mbeki d’Afrique du Sud, a permis de mettre fin à plusieurs années de guerre civile, de réunifier le pays, de tenir trois élections réussies et d’assurer le premier transfert pacifique du pouvoir depuis l’indépendance”, a-t-il affirmé.
Et de renchérir : “La remise en cause de ce Pacte républicain s’est d’abord manifestée par des violations délibérées et répétées de la constitution et des lois du pays. Ensuite, il y a eu les élections truquées de décembre 2023, organisées en violation du cadre légal et des normes internationales pertinentes. Cela a amplifié l’illégitimité du dirigeant, affaibli artificiellement l’opposition politique et fait du chef de l’État le maître absolu du pays. Tshisekedi a également annoncé publiquement son intention de modifier la constitution.”
Pour lui, les conséquences de ces actions sont dévastatrices et représentent un recul démocratique majeur.
“Le régime actuel a réduit au silence toute forme d’opposition politique. Intimidations, arrestations arbitraires, exécutions sommaires et extrajudiciaires, exils forcés de politiciens, de journalistes, de leaders d’opinion, et même de chefs religieux sont devenus les caractéristiques de la gouvernance de Tshisekedi”, a affirmé Joseph Kabila.
Profitant de l’occasion, l’ancien président estime que toute tentative de résoudre cette crise sans s’attaquer à ses causes profondes au premier rang desquelles figure la gouvernance actuelle de la RDC ne mènera pas à une paix durable.
“Les innombrables violations de la constitution et des droits humains, ainsi que les massacres répétés de la population congolaise par la police et les forces militaires de Tshisekedi, ne cesseront pas avec la conclusion de négociations entre la RDC et le Rwanda ou avec la défaite militaire du M23”, a déclaré Joseph Kabila.
Par ailleurs, il s’est opposé à l’envoi de troupes sud-africaines à l’est de la RDC.
Pour lui, la crise exige une solution globale, et non uniquement l’envoi de troupes et d’équipements militaires. “Une telle approche revient à gaspiller des ressources précieuses au profit d’une dictature, au lieu d’aider la RDC à progresser vers la démocratie, la paix et la stabilité, et à devenir un atout pour la région d’Afrique australe et le continent tout entier.”
“Le monde observe pour voir si l’Afrique du Sud, reconnue pour son humanisme et ses valeurs, continuera de dépêcher des troupes en RDC pour soutenir un régime tyrannique et s’opposer aux aspirations du peuple congolais”, a-t-il déclaré.
Alors que les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, ont investi Bukavu le 14 février dernier, Félix Tshisekedi a accusé, le 15 février à Munich, lors d’une conférence sur la sécurité internationale, son prédécesseur Joseph Kabila d’être le parrain de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), la plateforme politico-militaire à laquelle est affiliée la rébellion du M23 qui sévit actuellement dans l’est du pays.
Eldad B.