Retoquée il y a près de deux ans, une proposition de loi controversée sur la nationalité, considérée par l’opposition comme un moyen de barrer la route à certains candidats à la présidentielle, vient de revenir dans le débat en République démocratique du Congo (RDC), où des élections générales sont prévues en décembre. Cette proposition de loi dite « Loi Tshiani », du nom de son initiateur Noël Tshiani Mwandiavita, lui-même ancien candidat à la présidentielle de 2018, vise à réserver les plus hautes fonctions de l’État, dont la magistrature suprême, aux Congolais nés de père et de mère congolais.

Si cette loi était adoptée, l’homme d’affaires Moïse Katumbi Chapwe par exemple, candidat déclaré à la présidentielle, serait exclu de la course, puisque son père était italien – mais sa mère congolaise.

« N’importe quel mercenaire ne pourrait plus se glisser au sommet de l’Etat congolais », expliquait cette semaine M. Tshani sur Twitter, en se félicitant que son texte, déposé par le député Nsingi Pululu, soit inscrit au « calendrier des matières à traiter » pendant la session en cours de l’Assemblée nationale depuis le 15 mars. Dès le 17, M. Tshani a remis un mémorandum au président de l’Assemblée (la chambre basse du parlement congolais, Christophe Mboso N’Kodia Pwanga, qui a promis d’en faire part aux députés nationaux, selon la presse kinoise.

Sa proposition avait déjà été déposée à l’Assemblée en juillet 2021 mais rapidement écartée. Ses partisans espèrent que « cette fois sera la bonne », tandis que ses détracteurs remontent au créneau pour barrer la route à un texte sur la « congolité » qu’ils jugent dangereux.

L’Association congolaise pour l’Accès à la Justice (Acaj) « craint sérieusement » que ce projet de réforme de la loi électorale « ne remette en cause la fragile unité nationale », avec à la clé « des frustrations et des violences dont la RDC n’a point besoin », a mis en garde vendredi cette association.

« J’appelle vivement les députés à concentrer leurs efforts sur la restauration de la paix », notamment dans l’Est en proie aux violences armées, sur « la lutte contre le détournement des deniers publics » ou encore la préparation des élections, déclare son président, l’avocat Georges Kapiamba, dans un communiqué.

Pour l’organisation congolaise IRDH (Institut de recherche en droits humains), basée à Lubumbashi (sud-est), la « loi Tshiani » est « contraire à plusieurs dispositions constitutionnelles ». « Eu égard à la témérité » de ses auteurs, l’IRDH demande, par la voix de son directeur général, Me Hubert Tshisuaka Masoka, à l’Assemblée nationale de voter « une motion de rejet préalable » parce que, dit-il, « il n’y a pas lieu à délibérer de son fond ».

En 2021 déjà, l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, avait critiqué cette proposition de loi

« C’est l’occasion au nom des évêques du Congo, notre Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo) et du peuple congolais de stigmatiser ce dangereux projet de loi sur la +congolité+ qui ne promeut pas la cohésion nationale », avait-il affirmé dans un prêche à Lubumbashi.

« Cette proposition de loi apparaît comme un instrument d’exclusion et de division. Je vous invite tous à rester extrêmement vigilants par rapport à toutes ces initiatives dangereuses qui ont comme unique mérite de créer la tension au sein du peuple », avait ajouté le prélat de la puissante Église catholique.

Avec AFP

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