Il y a un peu plus d’une semaine, la Première ministre Judith Suminwa a présenté son équipe gouvernementale composée de 54 ministres.  Immédiatement, des frustrations sont apparues au sein de la coalition au pouvoir, l’Union sacrée pour la nation (USN). 

Dans un système semi-présidentiel comme celui de la RDC, et aussi avec une longue culture de “partage de gâteau”, la constitution d’un gouvernement est toujours un exercice d’équilibre. Dans sa proposition de l’équipe gouvernementale, la Première ministre doit tenir compte de la force de chacun des partis et regroupements au sein de la majorité parlementaire, en l’occurrence l’ USN, s’assurer que tous les postes sont répartis entre les provinces, et que hommes et femmes soient équitablement représentés. Enfin –et ce serait bien de le dire, le critère le plus important– elle doit s’assurer que les personnes nommées à la tête des ministères soient compétentes et aient une certaine connaissance des secteurs qu’elles sont censées diriger.

En fin de compte, il apparaît que ce dernier critère de compétence technique l’ait souvent emporté sur celui du poids politique. Certains ministres sont des technocrates peu impliqués dans la politique partisane par le passé. C’est le cas notamment de Thérèse Kayikwamba Wagner aux Affaires étrangères, Yolande Elebe au ministère de la Culture, Raïssa Malu à l’Éducation et Teddy Lwamba Moba aux Ressources hydrauliques et électricité. Il y a au total neuf  membres non partisans du gouvernement. De même, si Daniel Mukoko Samba, ministre de l’Économie, et Louis Watum, ministre de l’Industrie, ont une certaine expérience politique, ils ont passé la majeure partie de leur carrière en tant qu’experts dans leurs domaines respectifs. 

Cet accent sur l’expertise est certainement une bonne chose, mais cela a alimenté des frustrations. Au début des négociations sur le nouveau gouvernement, il y a deux mois, la clé de répartition des portefeuilles proposée était qu’environ dix  députés pourraient permettre à un regroupement d’obtenir un poste ministériel. Or, ce n’est manifestement pas le cas. Par exemple, le parti Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS/Tshisekedi) et sa mosaïque disposent de 16 ministres, vice-ministres compris,  pour ses 147 députés. Cela signifie qu’en moyenne, chaque poste de ministre de l’UDPS et sa mosaïque correspond à environ neuf députés. En revanche, l’Alliance des forces démocratique du Congo et alliés (AFDC-A) de Modeste Bahati, avec 32 députés, n’a pu obtenir  que deux ministères relativement modestes. Autrement dit, chaque poste de ministre de l’AFDC-A correspond à environ 16 députés. 

En outre, certains regroupements se sont plaints de ne pas avoir été autorisés à proposer leurs propres ministres, ceux-ci ayant été simplement choisis par la Première ministre. Et comme les regroupements comprennent différents partis de force variable, certains partis se sont sentis mis à l’écart par cette logique. 

Tout cela crée de la frustration, mais il n’est pas certain que cela aboutisse à quelque chose. Le moment clé sera celui de l’investiture du gouvernement, quand la Première ministre présentera son programme pour approbation par l’Assemblée nationale, ce qui devrait se produire au courant de la semaine prochaine. Bien que cela soit peu probable, étant donné la fragmentation de la coalition au pouvoir, celle-ci pourrait refuser d’approuver le programme du nouveau gouvernement, ce qui équivaudrait à la censure du gouvernement. Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS, a tenté de calmer les esprits en déclarant qu’il y aurait d’autres postes à distribuer, notamment dans les entreprises publiques. 

En fin de compte, il est quasiment certain que ce gouvernement sera investi après approbation de son programme. Le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, en a reçu les assurances des différents regroupements de la majorité. Le plus grand risque, cependant, est que ces mécontentements surgissent chaque fois que le gouvernement essaie de faire adopter un projet de loi ou faire passer une politique, soulevant le danger familier d’un gouvernement engagé dans un marchandage permanent. 

GEC

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