La répression de l’opposition laisse entrevoir sept mois très compliqués en RDC avant les prochaines élections.
La manifestation de l’opposition congolaise, notamment contre la manipulation de la prochaine présidentielle par le pouvoir, n’aura jamais pu débuter ce samedi 20 mai. Pourtant, si le cortège a été bloqué avant de se mettre route, les enseignements de cette journée sont nombreux et doivent alerter le pays, la région et même la communauté internationale.
Un parti présidentiel prêt à tout
La première grande manifestation politique contre les manquements du régime du président Félix Tshisekedi aura donc tourné court. Les Matata Ponyo, Delly Sesanga, Martin Fayulu et Moïse Katumbi, le quarteron des leaders de cette opposition née il y a un mois lors d’une rencontre à Lubumbashi, dans le Haut-Katanga, n’auront jamais pu s’élancer. La faute, selon le gouverneur de Kinshasa, proche de Tshisekedi, au non-respect par ces opposants du parcours de la manifestation chamboulé en dernière minute par les responsables de la ville.
Mais à Kinshasa personne n’est dupe. Cet argument a été éreinté par les précédents régimes qui l’ont tous utilisé pour saboter les manifestations des oppositions successives (dont faisait partie Félix Tshisekedi) et justifier une répression, souvent violente. La non-marche de ce samedi ne fera pas exception. La mobilisation massive de la police de Kinshasa mais aussi de la police militaire et, bien pire encore, de différents clans de petites frappes disséminés dans les rues attenantes au cortège, démontre une volonté d’en découdre avec les manifestants.
Parmi ces “mobilisés”, des hommes, souvent armés de machettes, arborant le T-shirt de la Brigade spéciale de l’UDPS/Force spéciale. Des miliciens déjà vus à plusieurs reprises à Kinshasa. Des hommes qui, sur différentes vidéos filmées ce samedi, interpellent les automobilistes, menacent les passants sous le regard passif des forces de l’ordre.
“Ce sont les mêmes gars des Forces du progrès qui ont affronté il y a quelques jours les hommes de main d’un ancien ministre dans des combats violents en périphérie de Kinshasa”, explique un Kinois rentré il y a peu au pays après plusieurs mois à l’étranger. “Il y a souvent eu des gangs dans les quartiers kinois mais aujourd’hui le phénomène a pris de l’ampleur et certains d’entre eux peuvent tout se permettre. Ils ne se cachent plus ; ils sont devenus les bras armés du pouvoir.”
Ne pas fermer les yeux
Dans le rapport au PNUD de juin 2022, intitulé “Cartographie des risques de conflits en RDC avant, pendant et après les élections de 2023”, les experts électoraux Gérold et Merino pointaient déjà le rôle que pouvaient jouer les kulunas (jeunes malfrats) et les wewa (souvent les taximotos de Kinshasa, généralement originaires du Kasaï, comme Félix Tshisekedi) dans la dégradation du processus électoral et l’embrasement de la société congolaise. Ils présentaient ces wewa et kulunas comme “un mercenariat politique sur fond de misère sociale”.
La milice de l’UDPS apparaît comme la dernière invitée au buffet de cette violence légitimée par le pouvoir. Elle s’apparente plus aux Cobras, Ninjas ou Zoulous qui ont servi la cause de Denis Sassou Nguesso et de ces adversaires Kolelas et Lissouba dans les années 1990 au Congo-Brazzaville voisin. Des milices qui ont contribué à la guerre civile qui a fait des milliers de morts.
L’apparition de la milice du parti au pouvoir en RDC dans la perspective d’une présidentielle compliquée, critiquée ; voire déjà confisquée par ce régime, fait craindre le pire. Ce lundi, les évêques catholiques qui ont “observé cette première marche” évoquent eux “des éléments de la police nationale porteurs des mêmes outils de violence qu’ils échangeaient visiblement avec des individus en tenue civile, dont certains portaient le dorsal BSU ou Brigade spéciale de l’UDPS, Force du progrès. Avec une telle complicité affichée publiquement, on se demande si cette Brigade spéciale n’est pas une milice officiellement entretenue”.
Les signaux sont au rouge. Personne ne pourra être surpris par un déchaînement de violence dans une région où ces images ne peuvent laisser personne indiffèrent au vu de l’histoire récente. Félix Tshisekedi est en première ligne et pourra être considéré comme responsable de tout embrasement non par défaut de prévoyance mais pour avoir été à la tête du parti qui a jeté ces hommes armés dans la rue.
Libre Afrique