Sur le front de l’est, les hommes de Corneille Nangaa poursuivent leur progression, tandis que Kinshasa est focalisé sur la révision de la Constitution.
Les troupes de l’Alliance fleuve Congo (AFC), dirigées par Corneille Nangaa, ont repris leur offensive dans l’est de la République démocratique du Congo. Ils ont grappillé de nouveaux territoires ces dernières semaines dans le nord du Nord-Kivu.
”Jusqu’ici, quand ils ont conquis une ville ou un village, ils n’en ont jamais été délogés par l’armée congolaise”, explique un représentant de la société civile de l’Ituri, la province voisine du Nord-Kivu qui voit le conflit approcher de ses frontières.
Les cités qui sont tombées au début de ce mois de novembre aux abords du Lac Édouard ouvrent en effet une voie vers les territoires de Butembo et de Beni et vers l’Ituri.
Dans le territoire de Lubero, les combats se déroulent à près de 150 kilomètres de la ville de Goma, la capitale du Nord-Kivu toujours sous pression des rebelles, ce qui démontre l’étendue du territoire qui n’est désormais plus géré par les autorités de Kinshasa.
Goma et l’effet Trump
”Les rebelles se sont visiblement renforcés”, explique un acteur politique de Goma. “Ils semblent de plus en plus nombreux. Nous sommes conscients que notre ville peut tomber à n’importe quel moment. Jusqu’ici, c’est Anthony Blinken, le secrétaire d’État américain, qui faisait pression sur les rebelles pour qu’ils ne touchent pas à la ville. Trop grande. Trop symbolique. Que va faire Trump ?”
La période de la mise en place de la nouvelle administration américaine suscite énormément d’interrogations dans cette grande ville plantée à quelques mètres de la frontière rwandaise. Plusieurs témoignages recueillis dans la cité évoquent les tueries quotidiennes qui s’y déroulent. “Le climat est insupportable. Il y a trop d’armes et aucune organisation, aucune structure, aucune sécurité. C’est le règne du racket”, explique une Gomatracienne, qui a abandonné récemment sa “petite société de vente de biens et d’équipements domestiques. C’était trop dangereux, nous avions la visite presque tous les jours d’hommes en armes, militaires ou wazalendo (volontaires) qui venaient nous demander de l’argent ou nous voler en toute impunité”. Une peur et un climat délétère qui jouent incontestablement en faveur des hommes de Corneille Nangaa.
Du côté des rebelles, certains cadres interrogés confirment “l’arrivée sur le terrain de nouveaux contingents qui viennent de terminer une formation de six mois”. “Ce sont des milliers d’hommes qui arrivent sur le terrain”, explique un autre lieutenant de l’AFC. Si les chiffres sont invérifiables, plusieurs témoins dans les territoires occupés par les rebelles font en effet état de “nouvelles troupes, bien armées, arrivées ces derniers jours”.
Ces faits d’armes se sont déroulés alors qu’à Luanda, la capitale angolaise, les ministres congolais et rwandais des Affaires étrangères ont enregistré quelques avancées dans leur négociation sur le plan de désengagement des forces et la neutralisation des FDLR. Un accord que les ministres doivent valider, lors du prochain round de négociations, ce 16 novembre à Luanda.
“Pas concernés”
Les rebelles ne se sentent pas concernées par ces négociations. “Félix Tshisekedi a dit et répété qu’il ne voulait pas négocier avec nous”, explique un proche de Nangaa. “On ne se sent donc pas liés par les textes qui pourraient être signés entre Kinshasa et Kigali. Encore faut-il qu’il y ait signature.”
Ici aussi, l’ombre de Trump plane sur ces négociations menées par le président angolais Joao Lourenço sous l’insistance de l’administration Biden. Le président démocrate n’a pas encore annulé le seul voyage en Afrique de son mandat qu’il devrait effectuer dans la première semaine de décembre. Mais le doute est de mise depuis que Donald Trump a remporté la présidentielle. Que va devenir “le partenariat stratégique” avec l’Angola évoqué par le président démocrate ? Lourenço sera-t-il toujours déterminé à jouer les démineurs dans l’épineux dossier congolo-rwandais sans savoir les dividendes personnels et internationaux qu’il pourrait éventuellement en retirer ? Le doute est de mise.
Le risque constitutionnel
Une autre interrogation plane au-dessus du pouvoir en RDC, visiblement déterminé à réviser la constitution. L’équipe au pouvoir planche sur un référendum pour obtenir l’approbation des Congolais dans ce dossier. ici aussi la tâche s’annonce périlleuse et la question s’impose sur le sort réservé aux territoires qui ne sont plus gérés par Kinshasa. Il sera compliqué, même impossible d’y organiser le référendum. Les rebelles auront donc beau jeu de ne pas reconnaître cette nouvelle constitution, entraînant de facto une balkanisation du pays.
(LibreAfrique)