« C’est l’aube d’une nouvelle ère. Assurer la paix et protéger les civils est désormais entièrement entre les mains des autorités congolaises » a déclaré Bintou Keita, la cheffe de la Monusco le 25 juin à Kavumu, actant la fin de 20 ans de présence de la mission onusienne dans la province du Sud-Kivu.
Quelles leçons tirer de cette première expérience pour la suite du désengagement des provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu ?
Amorcé depuis janvier 2024, le retrait progressif de la Monusco convenu entre le Conseil de sécurité des nations unies et le gouvernement congolais était fixé pour le 30 juin 2024 dans sa première phase qui implique la province du Sud-Kivu. Les bases de Baraka, Bukavu, Bunyakiri, Kamanyola, Kavumu, Rutemba et Sange ainsi que 15 autres installations ont été transférées aux autorités nationales.
En outre, la mission a déclaré avoir cessé ses opérations dans les bases de Mikenge, Minembwe et Uvira, mais que le transfert de ces sites aux FARDC ne sera finalisé que dans les semaines à venir sans plus de précision.
Cette zone des hauts-plateaux du Sud-Kivu demeure sous contrôle des groupes armés, ce qui pourrait expliquer son retard. Mais c’est aussi le cas de plusieurs zones de l’Ituri et du Nord-Kivu, cibles des prochaines phases du retrait.
Dans son rapport d’analyse d’avril 2024 sur la situation de protection du Sud-Kivu le cluster protection craignait un impact du retrait de la Monusco sur la protection des civils y compris les populations affectées, si des mesures adéquates ne sont pas prises en amont du retrait. Ce rapport soutient que le nombre d’actes de violence et d’attaques délibérées menées contre des civils a augmenté au cours des derniers mois.
Le cluster protection recommandait de renforcer la présence et l’autorité de l’État à travers le déploiement des forces de sécurité et de défense nationales préalablement formées et dotées de moyens. Cette recommandation n’a, jusqu’à présent, pas été mise en application.
De plus, on peut également souligner une crise de confiance qui existe entre les populations et les FARDC dans les Hauts Plateaux du Sud-Kivu. Par exemple, en date du 23 avril 2024 le président des déplacés autour de la base de la Monusco à Mikenge avait déjà saisi le président Félix ainsi que Bintou Keita, au sujet de l’annonce du départ imminent des troupes de la Monusco, soulignant le rôle dissuasif face aux velléités de certains groupes armés que la présence de la Monusco a joué. Il affirmait que son retrait risque de les exposer à de nouvelles attaques et représailles comme ce fut le cas à Bijombo en février 2023.
Dans un communiqué rendu public hier 27 juin, le docteur Mukwege, prix Nobel de la Paix, estime aussi que ce retrait entraînera un vide sécuritaire. Il propose que le plan de désengagement de la Monusco soit suspendu pour le Nord-Kivu et l’Ituri. Toutefois, il n’est pas certain que la présence prolongée de la Monusco pourrait ramener la paix. Les attentes déçues des populations meurtries envers cette mission onusienne ont provoqué une perte de confiance et le souhait de son départ.
Tout en préparant son départ devenu inévitable, la Monusco devrait contribuer à la mise en place d’un processus de paix concret et accompagner les autorités nationales à prendre leurs responsabilités de protection des civils.
GEC