Le dossier de la téléphonie sur lequel repose l’accusation apparaît comme un enorme montage pour accuser l’expert belge.
Le procès de l’étrange coup d’État perpétré par une bande de va-nu-pieds le 19 mai 2024 à Kinshasa est de retour sur le devant de la scène. En première instance, sur les 51 prévenus, 37 ont été condamnés à mort. La République démocratique du Congo de Félix Tshisekedi a levé le moratoire sur la peine de mort à la mi-mars de cette année.
Parmi ces condamnés à mort, le Belge Jean-Jacques Wondo, expert militaire qui avait rejoint, en février 2024, à titre de conseiller, les rangs du service de renseignement (ANR) dirigé par un autre Belge, le médecin-colonel Daniel Lusadisu. Les deux Belges se connaissent depuis de longues années, ils sont tous les deux passés par les bancs de l’École royale militaire de Bruxelles (ERM).
Au lendemain de cette tentative de coup d’État, qui s’est conclu par un retentissant échec et la mort de quatre mutins, dont le chef de la bande, le général Christian Malanga, le nom de Jean-Jacques Wondo a rapidement été associé à cette aventure. En cause, une photo qui est réapparue subitement sur les réseaux sociaux. On y voit Jean-Jacques Wondo en compagnie de Christian Malanga. L’image date de 2016. Pour la justice congolaise, c’est le premier élément qui va permettre de faire du Belge, qui travaillait sur une nouvelle organisation des services de sécurité, un acteur essentiel de ce coup d’État. Il sera présenté comme le concepteur et l’auteur intellectuel de cette aventure qui confine au pathétique.
En première instance, la justice congolaise va produire d’autres éléments à charge de Jean-Jacques Wondo sur base de relevés téléphoniques, grâce aux experts du Conseil national de Cyberdéfense. Ces derniers vont prétendre que Wondo a effacé des échanges « compromettants » avec Malanga sans jamais apporter la moindre preuve. « De toute façon, il n’y a rien d’illégal à effacer des messages », tonne l’avocat de Jean-Jacques Wondo, Me Carlos Ngwapitshi.
Les experts vont aussi mettre en avant le rôle joué par Malusha Mukinzi, réceptionniste de l’hôtel Shulungu où Jean-Jacques Wondo a résidé quelques semaines. Selon les cyber-experts, c’est par cet homme que transitaient les échanges entre les deux « têtes pensantes » du coup d’État. La défense avait demandé à entendre Malusha mais officiellement il était introuvable.
Avocat-enquêteur
Coup de théâtre à l’audience de ce vendredi 29 novembre, Maître Ngwapitshi a fait réapparaître ce témoin essentiel. Le réceptionniste-introuvable est en effet derrière les barreaux de la prison centrale de Kinshasa, à Makala. « Pavillon 6B », ajoute Me Ngwapitshi, joint par La Libre. L’avocat est parvenu, suite à des témoignages recueillis après la condamnation à mort de son client, à remonter la piste. Malusha, l’homme qui, selon les cyber-experts, aurait servi de lien entre Malanga et Wondo a été arrêté en juillet 2024, en plein procès du coup d’État. « Lors du procès en première instance, j’ai demandé publiquement au ministère public où se trouvait Malusha. Il a répondu qu’il ne savait pas. Or, il est clairement derrière son arrestation et de sa détention », continue Me Ngwapitshi qui est aussi parvenu à mettre la main sur une copie de l’audition de Malusha par un Officier de la police judiciaire (OPJ).
« J’ai demandé que Malusha soit entendu par la cour. On sait aujourd’hui précisément où il se trouve. Le juge a accepté ma requête, il viendra témoigner lundi. Nous avons aussi averti le ministère public que nous le tiendrons responsable de tout ce qui pourrait arriver à Malusha d’ici lundi », continue l’avocat, qui a encore demandé à entendre l’OPJ qui a mené cette audition. « Des éléments ont été ajoutés à cette audition. On fait dire des choses à cet homme qu’il n’a jamais dites. Il n’a jamais possédé les numéros de téléphone que le ministère public lui attribue et qui sont les seuls liens entre Malanga et mon client. Malusha est un homme courageux. On lui a promis la liberté s’il chargeait Jean-Jacques Wondo. Il a refusé. Il a répété qu’il ne connaissait pas Malanga. Tous ses ennuis découlent de là. Ce dossier est un énorme montage des services de renseignement », ajoute encore Me Ngwapitshi qui insiste : « J’ai demandé aussi à entendre les cyber-experts si prompts à nous monter des dossiers. Jean-Jacques Wondo est victime d’un procès politique. Il n’a rien à faire derrière les barreaux. »
Un dossier pour le nouveau ministre des Affaires étrangères
Au lendemain de la condamnation à mort du Belge, notre ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib, devenue commissaire européenne, avait téléphoné à son homologue congolaise pour lui dire son malaise face à cette condamnation. « J’ai insisté sur l’opposition absolue de la Belgique à la peine de mort et sur la nécessité de respecter pleinement le droit à la défense dans tous les procès », avait-elle déclaré dans un communiqué, le 15 septembre. Le Premier ministre Alexander De Croo, toujours en affaires courantes, avait insisté pour sa part sur la nécessité d’apporter « des vraies preuves en deuxième instance« . En marge de l’Assemblée générale de l’ONU, Alexander De Croo avait par ailleurs dénoncé auprès de Félix Tshisekedi, la condamnation à mort de Jean-Jacques Wondo.
Les deux responsables belges laissaient clairement entendre que si aucune preuve n’inculpe notre compatriote à l’issue d’un procès en deuxième instance, la justice congolaise devrait alors l’acquitter.
On apprenait ce samedi 30 novembre que le MR proposait le diplomate Bernard Quintin comme successeur de Mme Lahbib. L’homme connaît l’Afrique central pour avoir, notamment, été ambassadeur à Bujumbura. Il est aussi réputé proche de la RDC. Le dossier Wondo devrait être un de ses tout premiers dossiers.
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