Monsieur le ministre,
Pour des raisons que vous comprendrez à la fin de cette lettre, je suis ravi de vous féliciter sincèrement pour votre maintien en tant que ministre de la communication et des médias, et notamment en tant que porte-parole du gouvernement Sama II.
Son Excellence, dans les pays en développement, les médias jouent un rôle crucial pour combler le manque de connaissances et soutenir l’opinion publique. Ils doivent donner aux experts l’opportunité de partager leurs points de vue, expériences et opinions afin de renseigner sur les défis sociaux, politiques et économiques qui imposent au pays.
Comme vous vous en êtes plaint à plusieurs reprises et que vous privilégiez les télévisions et les radios étrangères pour vos importantes interviews, vous et tous les Congolais êtes bien conscients que ce n’est pas le cas en RDC.
La chaîne NBS a pour objectif de réduire l’analphabétisme économique et financier en RDC et d’informer les Congolais sur le monde de la technologie. Sa mission est de promouvoir l’ouverture d’esprit et les ambitions congolaises.
Par ailleurs, je n’ai pas caché à votre prédécesseur, David Jolino Diwampovesa Makelele, tout comme à vous lors de l’audience que vous m’avez accordée il y a deux ans, que la chaîne de télévision est le premier pas vers la mise en œuvre d’un bouquet purement congolais « oye », à contrebalancer dans ce secteur jusque-là complètement contrôlé par des étrangers, ce qui constitue en fait une menace pour la sécurité nationale.
Lorsque vous avez pris vos fonctions dans le premier gouvernement de Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, il était attendu que vous, issu du Parti lumumbiste unifié (en abrégé PALU) et du secteur des médias et de la presse en RDC et doté d’une formation et d’une expérience professionnelles, contribuez à la renaissance du secteur audiovisuel, notamment par une restructuration du Ministère des Médias et de la Communication. On comptait surtout sur l’assainissement de ce secteur ce secteur en brisant les goulots d’étranglement pour les entrepreneurs et investisseurs innovants et honnêtes laissés par vos prédécesseurs.
Après deux ans, comme tous les autres congolais, je suis profondément et tragiquement déçu de mes attentes. Ma déception est amplifiée par le fait que le temps, les efforts et l’argent investis ont été gaspillés et que la situation des deux dernières années est pire que ce que j’ai enduré sous votre prédécesseur.
Il arrivait des moments où je me demandais si tous les efforts fournis pour convaincre mes partenaires pessimistes d’investir en RDC, de rassembler tous les documents nécessaires et obtenir toutes les autorisations pour démarrer une chaîne de télévision en RDC, commencer à payer les frais d’administration, acheter et expédier du matériel et constituer une équipe jeune mais pleine d’espoir chargée de diriger l’entreprise avec toute sa puissance éditoriale était-il suffisant ? C’est en fait plus que suffisant, voir même trop, comme je l’ai appris plus tard.
Cependant, mon péché est de céder aux appels à un « compromis à l’africaine » à chaque fois que j’ai pris des mesures pour revendiquer les droits de la NBS channel, de la bonne manière et d’une autre manière.
Il y a trois ans, j’avais porté plainte devant la Cour de cassation contre vos prédécesseurs collaborateurs devenus les vôtres, pour avoir perçu des soi-disant redevances de connexion au diffuseur national sans fournir le service. J’ai gelé l’affaire quand quelqu’un que je respecte beaucoup m’a supplié de ne pas le faire en raison de l’état de santé grave du coordinateur de la TNT, ce qui a été confirmé par les officiers qui ont pris sa déposition à ce sujet. En contrepartie, un « compromis à l’africaine » à travers lui, on m’avait promis que la chaîne NBS reviendrait dans ses droits, ce qui n’a pas été le cas.
Puis vient l’essoufflement de deux ans d’attente pour tenir parole, et la brûlure d’avoir envoyé mon matériel à Goma pour tomber dans une impasse, une fois de plus, j’écris un article intitulé « Entrepreneuriat : mon calvaire en RDC » publié sur le site NBSInfos.com le 20 juillet 2022 et repris par d’autres médias.
Suite au grand public qui commençait à capter mon cauchemar, vous avez lancé deux jours plus tard un moratoire de 21 jours sur les distributeurs et les éditeurs de programmes « indociles », tout en déclarant que « la quasi-totalité des éditeurs des programmes répertoriés ne sont pas en règle, tant sur le plan administratif, technique que financier ». Ensuite, vous l’avez prolongé de 14 jours.
Au même moment, j’ai eu un tas d’appels pour arrêter d’exposer le linge sale du ministère contre la promesse que NBS, qui est en conformité avec la loi depuis plus de deux ans, serait la première chaine sur la liste connectée au diffuseur public à la suite du grand nettoyage.
Des mois après la fin du moratoire, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) crie que la majorité n’a pas respecté la procédure qui oblige les opérateurs à obtenir un accord d’autorisation préalable du Régulateur avant d’être opérationnel dans le secteur audiovisuel de la RDC.
Et donc, son Excellence, force est de constater que rien n’a été fait. Il y a des murmures qu’au lieu de faire le grand ménage, à la manière de votre prédécesseur, on branchait de nouveaux en catimini qui n’avaient pas toute la paperasse, comme l’a fait votre prédécesseur.
Près d’un an après la dernière promesse, bien que l’on ne sache pas pourquoi, les ingrédients et la détermination de l’équipe continuent à sortir des moules. La paranoïa du système en place serait la raison, mais je refuse de le croire car je ne le comprends pas.
C’est pourquoi, son Excellence, comme mes partenaires l’avais anticipé depuis longtemps, j’ai choisi de ne plus patienter ou se contenter de la promesse de mise en œuvre du « compromis à l’africaine ». A la place, j’ai demandé à mes avocats d’engager des poursuites judiciaires.
D’un côté, au tribunal de commerce pour recouvrer mon investissement financier et technique, mais surtout pour réparer ma crédibilité auprès de mon staff et de mes partenaires actuels et potentiels qui étaient déjà mobilisés.
De plus, le tribunal de paix pour éventrer le boa et pour déterminer les responsables de la ruine la crédibilité de la nation dans ce secteur si essentiel à l’économie nationale.
Je suis donc content que vous ayez été reconduit, car en avoir un nouveau aurait pu donner à moi et à mon équipe une fausse excuse pour espérer, encore une fois, que la bonne chose sera faite.
Son Excellence, les échanges et les contrats commerciaux sont fondamentalement ancrés sur la notion de confiance entre les parties concernées. Que dire lorsque l’État, en tant que partie prenante, escroque l’autre partie ? Cela ne peut que renforcer la méfiance des entrepreneurs et des investisseurs envers une nation.
Je dois admettre qu’en tant qu’entrepreneur congolais, à travers les actions des personnes et de leurs équipes qui ont été choisies sous l’ère du président Tshisekedi pour diriger ce ministère qui n’aurait dû être qu’une agence mais qui est bel et bien indispensable à la transformation sociale et économique de la nation, j’ai perdu la foi qu’il puisse remettre le national sur les rails, même s’il reçoit un autre mandat. Et comme nous sommes chacun appelés à jouer notre rôle pour le bien-être de la nation, c’est ainsi que je me suis lancé dans une croisade pour appeler les gens sensés, congolais et étrangers, à s’abstenir d’essayer d’investir en RDC, pour le moment.
Toutes les portes auxquelles j’ai frappé et les réponses tout comme le silence que j’ai eu, de l’Agence Nationale pour la Promotion des Investissements « ANAPI » au cercle du président Tshisekedi, indique clairement qu’il est certain qu’un entrepreneur ou investisseur honnête va se retrouver collatéral d’un écosystème de substances hautement toxiques pour le commerce et l’échange.
Jo M. Sekimonyo