Vers un record d’abstention ? Le spectre d’un fort désengagement civique se profile pour la prochaine élection présidentielle en RDC. Le premier scrutin sous Félix Tshisekedi risque d’enregistrer une forte abstention. Celle-ci pourrait également lui être favorable.
C’est le principal enseignement de cette première note thématique du sondage réalisé mi-janvier par le Bureau d’études, de recherche et de consulting international (Berci), avec Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence, et le Groupe d’étude sur le Congo (GEC). Intitulée Présidentielle 2023 : l’abstention pourrait atteindre un taux record et publiée ce jeudi 16 février, elle révèle qu’à 11 mois des élections prévues fin 2023, près de 54 % des sondés pourraient ne pas aller voter leur prochain président de la République. Alors qu’ils étaient 78 % en juin dernier à souhaiter participer au vote, aujourd’hui, seuls 46, 31 % des électeurs disent qu’ils iraient voter si le scrutin se tenait dimanche.
L’ampleur de l’abstention risque d’être la clé de la présidentielle. Aujourd’hui, la majorité de ceux qui veulent voter sont ceux qui souhaitent accorder un second mandat au président sortant. Dans les fiefs des opposants, beaucoup s’abstiennent encore ou ne savent pas s’ils vont aller glisser leur bulletin dans l’urne. Cela pourrait engendrer une large victoire de Félix Tshisekedi avec 50,42 % des suffrages exprimés.
L’une des raisons de ce possible taux record d’abstention pourrait se trouver dans la gestion du processus électoral. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) n’a toujours pas réussi à améliorer sa cote de confiance. Malgré la publication du calendrier électoral et le lancement de l’enrôlement des électeurs, la méfiance envers la Ceni persiste. Seulement 37% des répondants estiment que la Ceni peut organiser des élections crédibles, libres et transparentes. Et ces soutiens de la commission électorale sont regroupés essentiellement dans les fiefs électoraux de Tshisekedi.
L’ambiguïté dans le discours des leaders de l’opposition pourrait être l’autre facteur pour expliquer, à ce stade, un faible taux de participation à la prochaine présidentielle. En même temps qu’ils dénoncent le processus électoral, certains se déclarent candidats et appellent leurs électeurs à s’enrôler. C’est notamment le cas de Moïse Katumbi et Martin Fayulu.
Cette enquête démontre également la régionalisation du vote. Les intentions de vote en faveur des certains candidats déclarés et personnalités politiques sont amassées en plus grand nombre auprès des Congolais sondés résidant dans leurs régions d’origine.
« Cette abstention qui semble profiter à présent au président Tshisekedi pourrait se retourner contre lui à la longue pour deux raisons. Premièrement, si l’opposition parvient à mobiliser ses partisans en adoptant un discours sans ambiguïtés en faveur du processus électoral en cours. Deuxièmement, une présidentielle avec un taux d’abstention record affecterait davantage la légitimité de celui qui en serait déclaré vainqueur, surtout dans ce contexte de vote polarisé autour de l’appartenance régionale. Il est donc important que les uns et les autres, en commençant par la Ceni, redonnent confiance aux Congolais vis-à-vis du processus électoral en cours et les mobilisent davantage pour s’enroler d’abord et ensuite, pour aller exprimer leurs choix », conclut Ithiel Batumike, chercheur principal au pilier politique d’Ebuteli.
GEC