Déchirées, arrachées ou juste battues par la pluie, les affiches sont fatiguées. Après un mois de meetings et de promesses, la campagne pour les élections du 20 décembre se terminait lundi soir en République démocratique du Congo.

Dans un climat tendu, près de 44 millions d’électeurs, sur une population totale d’environ 100 millions d’habitants, sont appelés à élire mercredi leur président, leurs députés nationaux et provinciaux et, pour la première fois, leurs conseillers communaux.

Autre première, des Congolais de la diaspora vont pouvoir voter dans cinq pays.

A la présidentielle, élection à un tour, le chef de l’Etat sortant, Félix Tshisekedi, 60 ans, brigue un second mandat face à 18 postulants issus d’une opposition morcelée, qui n’a pas su s’entendre sur un candidat commun.

Selon des analystes, Moïse Katumbi, 58 ans, riche homme d’affaires et ancien gouverneur du Katanga (sud-est), apparaît comme le challenger numéro 1.

Il y a aussi Martin Fayulu, 67 ans, qui affirme que la victoire lui avait été volée à l’élection de 2018, et le Dr Denis Mukwege, 68 ans, prix Nobel de la paix en 2018 pour son action en faveur des femmes violées.

Respecté et connu dans le monde, mais novice en politique, Denis Mukwege s’est fait discret ces derniers jours et les rumeurs couraient même d’un possible retrait de sa candidature.

Mais le docteur a appelé lundi les Congolais à voter pour lui, “pour dire non à la descente incessante aux enfers” de la RDC, tout en réaffirmant ses craintes, partagées par tous les opposants, de fraude électorale.

Moïse Katumbi, en déplacement dans la ville minière de Kipushi, dans le Haut-Katanga, a d’ailleurs demandé aux électeurs de surveiller de près le vote et le dépouillement, “même s’il faut dormir” sur place.

Félix Tshisekedi tenait de son côté un ultime meeting dans une commune populaire de Kinshasa, après avoir sillonné le pays avec force moyens.

“Il lui faut un deuxième mandat, car on ne peut pas construire un grand pays comme la RDC en cinq ans”, déclare à l’AFP Dieu-Merci Nsilulu, 31 ans, dans la foule de milliers de Kinois venus entendre le président sortant. “Mais que cette fois, il pense à toutes les couches de la population et pas seulement à ceux qui sont dans son cabinet”, ajoute-t-il.

Devant les Congolais, dont les deux tiers vivent sous le seuil de pauvreté en dépit des immenses richesses géologiques du pays, tous les candidats ont plus ou moins promis les mêmes choses durant la campagne: la paix, du travail, des routes, des écoles, des dispensaires…

“Discours de haine”

Jusqu’au bout, le doute aura subsisté sur la capacité de la Commission électorale (Céni) à organiser ce quadruple scrutin, dans un pays de 2,3 millions de km2 manquant cruellement d’infrastructures. L’acheminement des “machines à voter”, bulletins et autre matériel électoral jusque dans les zones rurales reste un réel défi.

A huit jours du vote, le gouvernement a demandé l’appui logistique de la Mission de l’ONU dans le pays (Monusco), qui a accédé vendredi à sa requête.

Dimanche sur X (ex-Twitter), le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a annoncé que “deux avions Hercules C-130 de l’armée égyptienne, des appareils (de l’armée congolaise) et des hélicoptères” avaient également été mis à la disposition de la Céni par le gouvernement.

Au regard du passé politique violent de la RDC, où les élections de 2018, quoique très contestées, avaient marqué la première alternance pacifique, la campagne électorale s’est déroulée dans un calme relatif.

Mais Human Rights Watch a alerté ce week-end sur les violences électorales qui “risquent de compromettre la tenue du scrutin”.

L’inquiétude est grande aussi au vu des “discours de haine” tenus pendant la campagne, qui augmentent les risques de violences entre communautés. La cheffe de la Monusco, Bintou Keita, a elle-même fait part sur X de sa “préoccupation” face à ce type de discours et à “l’escalade de la violence”.

Le climat de la campagne a été empoisonné par la situation sécuritaire dans l’est du pays, qui connait un pic de tension depuis deux ans avec la résurgence d’une rébellion (le M23) soutenue par le Rwanda voisin.

Les combats se sont calmés depuis environ une semaine, mais les rebelles continuent d’occuper de vastes pans de territoire du Nord-Kivu, dans lesquels les habitants seront privés de vote.

(AFP)

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