Après l’attaque, le dimanche dernier, de la résidence de Vital Kamerhe et la prise d’assaut du Palais de la Nation par un groupe d’assaillants dirigé par Christian Malanga, un ancien officier de l’armée congolaise résident aux États-Unis, l’opinion publique congolaise se pose moult questions sur les affirmations de l’armée congolaise et du gouvernement sur une probable tentative de coup d’État étouffée. 

Selon les sources, le bilan, encore provisoire, fait état de 4 personnes décédées du côté des assaillants dont le leader, Christian Malanga.  Une quarantaine d’autres seraient aux arrêts. Parmi eux, des Congolais, 2 Américains, 1 Britannique. En même temps, des armes, des drones, des véhicules utilisés pour l’assaut ont été récupérés. 

Dans un bref message diffusé à la mi-journée du 19 mai à la télévision nationale( RTNC), le porte-parole de l’armée congolaise, le général de brigade Sylvain Ekenge, avait annoncé, quelques heures après, que les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) avaient déjoué un coup d’État. 

“(…) Une tentative de Coup d’État a été étouffée dans l’œuf par les Forces de défense et de sécurité. Cette tentative a impliqué des étrangers et des congolais. Ces étrangers et des congolais ont été mis hors d’état de nuire, leur chef y compris. Les Forces Armées de la République Démocratique du Congo demande à la population de vaquer librement et tranquillement à ses occupations. Les Forces de défense et de sécurité ont la parfaite maîtrise de la situation”, avait déclaré Sylvain Ekenge. 

De son côté, le Gouvernement de la République avait salué la promptitude avec laquelle des forces de défense et de sécurité avaient déjoué cette aventure hasardeuse et mis en déroute les assaillants.

Partant de ces différentes déclarations officielles, une certaine opinion populaire congolaise au pays comme à l’étranger se pose des questions. Notamment celle de savoir s’il s’était agi réellement d’une tentative de coup d’État ou tout simplement d’une manipulation.

Des réactions chaudes 

Pour le mouvement citoyen “Lutte pour le Changement” (Lucha), la facilité avec laquelle les assaillants avaient assiégé le haut lieu des institutions politiques du pays suggère une possible complicité au sein de l’appareil de l’Etat. 

La Lucha estime que cet incident soulève de sérieuses questions sur les défaillances du système de sécurité.

” Comment des assaillants lourdement armés sont-ils entrés au pays ? Comment ont-ils pu atteindre le palais de la Nation sans grande difficulté? Pourquoi les services de renseignement, si prompts à arrêter les voix critiques, n’a pas pu détecter les assaillants et déjouer leur attaque ? “, s’est interrogé ce mouvement citoyen dans un communiqué rendu public le dimanche 19 mai. 

Par ailleurs, il estime qu’en cette période critique, les autorités congolaises doivent s’abstenir d’instrumentaliser cet incident grave pour restreindre davantage l’espace civique, régler les comptes aux adversaires politiques ou justifier des violations de droits humains. Bien au contraire, les autorités congolaises doivent saisir cette occasion pour comprendre la colère légitime de la population congolaise face à la gouvernance actuelle du pays caractérisée par la prédation, la corruption, I’amateurisme, le favoritisme, le népotisme, …

Pour Fred Bauma,  Chercheur congolais et directeur exécutif d’Ebuteli, l’Institut congolais de recherches sur la gouvernance, la politique et la violence, la manière dont leurs opérations ont été présentées semble montrer beaucoup d’impréparation, beaucoup d’amateurisme, mais ça pose aussi beaucoup de questions sur la facilité avec laquelle ces personnes armées semblent avoir opéré. 

“On voit bien sur les réseaux sociaux des vidéos de cette troupe en train de se filmer, en train de changer les drapeaux de la République pour les remplacer par les drapeaux du Zaïre. Et le tout sans aucune intervention pendant plusieurs minutes. Quand on sait que le palais de la Nation, c’est quand même les bureaux officiels du président de la République et que c’est un espace très bien protégé par la Garde républicaine, une unité d’élite au sein de l’armée congolaise, on peut se demander pourquoi cela a été si facile [pour les assaillants] d’accéder jusque dans l’enceinte du palais de la Nation et d’enregistrer plusieurs vidéos avant qu’ils soient arrêtés. Cela donne quand même une impression d’insécurité en plein centre de Kinshasa”, a déclaré l’universitaire originaire de la Rdc sur RFI.

Fred Bauma croit dur comme le fer 

qu’il y aurait eu d’éventuelles complicités dans cette affaire.

“(…) il est certainement impossible que des personnes puissent être rentrées en RDC avec des tenues militaires et des armes et arrivent à mener des opérations jusque dans les endroits les plus sécurisés du pays… sans aucune complicité. J’imagine que les assaillants doivent être probablement dans un réseau et ce serait bien que la justice puisse élucider cela”, a-t-il souligné. 

Et d’ajouter: “Pour l’instant, je dois dire qu’il y a plus de questions que de réponses. Une des questions, c’est celle-là exactement : pourquoi s’en prendre au palais de la Nation si c’est un coup d’État, alors qu’on sait très bien que le président n’y réside pas ? Pourquoi s’attaquer à Vital Kamerhe ? Ça fait que même la qualification de coup d’État de ce qu’il s’est passé hier est quelque chose qu’il faudrait questionner, je pense”.

Pour leur part, dans un communiqué rendu public au lendemain de ces attaques, les Evêques membres de la CENCO confient à la miséricorde de Dieu les personnes innocentes qui ont perdu la vie au cours de ces attaques. Leurs pensées vont également aux familles endeuillées et vers toutes les personnes qui ont été affectées par ces actes de violence.

Les Evêques catholiques ont constaté qu’il y a des images qui circulent dans les réseaux sociaux et où figure, aux côtés des Evêques et d’autres personnes, le cerveau moteur présumé des attaques, identifié sous le nom de Christian Malanga. 

“Il s’avère que les Evêques, dans leur sollicitude pastorale, se laissent approcher, en tous lieux, par n’importe quelle personne humaine, pour des photos ou des vidéos. Ce qui ne signifie nullement l’existence de relations particulières avec ces personnes”, précise le communiqué. 

Cela étant vrai, la Cenco condamne toute récupération de ces images par des personnes malveillantes à des fins populistes malsaines.

Il y a lieu de noter que le QG du putchiste Christian Mangala et de son réseau avait été perquisitionné le même dimanche par les FARDC qui ont saisi quelques effets militaires. 

Christian Malanga, le principal meneur de ces assaillants est bien connu dans les milieux de la diaspora congolaise installée aux États-Unis pour ses prises de parole anti-gouvernementales. 

Souvent en treillis, il se revendique d’un mouvement appelé « New Zaire » et d’un regroupement qu’il appelle  United Congolese Party (UCP).

Eldad B.

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