Le journaliste Stanis Bujakera sera bientôt libre. Il a été condamné à six mois de prison, une peine qui couvre la durée de sa détention provisoire. Il écope également d’une amende. Reporters sans frontières (RSF) salue la liberté bientôt retrouvée de Stanis détenu depuis le 8 septembre 2023, mais rappelle qu’il n’aurait jamais dû être arrêté, poursuivi et condamné compte tenu d’un dossier à l’évidence monté de toutes pièces contre lui.
Enfin ! Il aura fallu attendre 192 jours, sept demandes de mise en liberté provisoire et une mobilisation internationale pour que Stanis Bujakera Tshiamala soit notifié d’une libération prochaine.
Le journaliste congolais arrêté et détenu depuis le 8 septembre 2023 a été condamné à six mois de prison ce 18 mars 2024 après plus de six mois passés derrière les barreaux, et à un million de francs congolais d’amende. Il était accusé entre autres, d’avoir “fabriqué et diffusé” un “faux document” des services de renseignement incriminant un autre service de sécurité dans l’assassinat d’un opposant politique.
À l’issue d’une enquête menée en République démocratique du Congo (RDC) en octobre 2023, RSF avait démontré la vacuité totale des accusations portées contre ce journaliste, ce dernier n’étant ni l’auteur, ni même le premier à avoir obtenu la note pour laquelle il était poursuivi. Plusieurs sources sécuritaires ont par ailleurs confirmé à RSF que ce document venait bien des services de renseignement congolais comme l’avait affirmé Jeune Afrique, le média dont Stanis Bujakera est le correspondant en RDC.
“Cette décision vient après une cabale qui aura coûté plus de six mois de liberté à ce journaliste qui n’avait absolument rien à se reprocher. Stanis Bujakera n’aurait jamais dû être arrêté. Comme l’a démontré l’enquête que nous avons menée, la procédure visant le journaliste reposait sur des accusations fallacieuses. Nous sommes extrêmement soulagés pour Stanis, sa famille, ses amis et ses collègues, et nous remerçions tous ses soutiens pour la mobilisation. Nous dénonçons néanmoins cette condamnation. Stanis n’aurait jamais dû être arrêté, poursuivi puis condamné compte tenu d’un dossier à l’évidence monté de toutes pièces contre lui”, Anne Bocandé, directrice éditoriale de RSF.
Ces cinq derniers mois, le procès a permis d’étaler au grand jour les mensonges de l’accusation et les tentatives grossières de fabrication de preuves pour justifier son action contre le journaliste. Le ministère public s’était notamment appuyé sur une expertise bidon selon laquelle les métadonnées du document incriminé avait permis d’identifier le journaliste comme son premier diffuseur. Une conclusion techniquement impossible à tirer de l’aveu même des représentants des réseaux sur lesquels il a été diffusé et selon une nouvelle expertise réalisée dans un second temps. Le ministère public, qui accusait également le journaliste d’avoir falsifié un sceau des services de renseignement sur le document, était également apparu en grande difficulté quand le cachet qu’il prétendait “authentique” et qu’il avait produit lors du procès est apparu différent de celui fourni par l’agence nationale de renseignement congolais…
Face à cette procédure inéquitable, le président congolais Félix Tshisekedi avait même fini par reconnaître lors d’une conférence de presse le 22 février dernier que le journaliste était “victime” des “tergiversations” d’une “justice malade”.
La détention de Stanis Bujakera, directeur adjoint du site d’information congolais Actualités.cd, correspondant du magazine panafricain Jeune Afrique et de l’agence de presse britannique Reuters, a fait l’objet d’une grande campagne de RSF. L’organisation a consacré une série d’enquêtes en RDC, a coordonné une mobilisation avec les soutiens locaux et internationaux du journaliste, a réalisé une mission sur le terrain pour rencontrer les autorités et saisi les Nations Unies et la Media Freedom Coalition.
RSF considère que les chantiers du président Tshisekedi en matière de liberté de la presse sont nombreux, alors qu’il entame un deuxième mandat à la tête du pays. Dès octobre, à deux mois de l’élection présidentielle, l’organisation avait présenté dix engagements pour soutenir la liberté de la presse et promouvoir la sécurité des journalistes. RSF réitère son appel pour l’abandon de toutes les charges contre les journalistes arbitrairement détenus dans le pays. Il devra aussi prendre des mesures pour la pérennité du mécanisme national dédié à la sécurité des journalistes, réformer le cadre légal de l’exercice du journalisme et lutter contre l’impunité des auteurs d’assassinats de journalistes.
(Avec Reporters sans frontières)