Une ambiance de fête et des attentes sur la sécurité : dans l’Est de la République démocratique du Congo, les candidats à la présidentielle du 20 décembre attirent des foules en dépit des conflits armés et des craintes de violences, qui ont déjà fait un mort en marge de la campagne, entrée dans sa deuxième semaine.
Bunia, Bukavu, Butembo, Beni, Oicha ou encore Goma sont en proie à des violences depuis près de 30 ans. Mais avec la campagne électorale, des foules vont et viennent entre les aéroports et les centres-villes, où les candidats tiennent des meetings populaires dans une ambiance festive sur les grandes places.
Le 20 décembre, près de 44 millions d’électeurs inscrits, sur une centaine de millions d’habitants, sont appelés à élire leur président, mais aussi les députés nationaux et provinciaux et les conseillers municipaux.
L’opposant et richissime homme d’affaires Moïse Katumbi, l’un des 23 candidats en lice – trois l’ont rallié ces derniers jours – est le premier à s’être rendu à Goma, capitale du Nord-Kivu, épicentre de violences et de crises humanitaires à répétition.
Là-bas, les habitants attendent des prétendants à la magistrature suprême de “restaurer la sécurité”, comme l’a dit à AFP Zéphanie Mayolo, chauffeur de moto-taxi de 33 ans, à l’arrivée de Moïse Katumbi.
“La question de la sécurité fait partie des thèmes majeurs” de cette campagne, analyse pour l’AFP Valery Madianga, du Centre de recherche en finances publiques et développement local (CREFDL). Cependant, “le débat n’emballe pas encore” en raison de l’absence de programmes de gouvernance clairement établis, estime-t-il.
Patron du renommé club de football Tout Puissant Mazembe et ancien gouverneur (2007-2015) de la province minière du Katanga, poumon économique du pays, M. Katumbi, qui voyage en jet privé, critique le bilan sécuritaire du président sortant, Félix Tshisekedi, face à la rébellion du M23.
Soutenu par l’armée rwandaise, selon les experts de l’ONU, le M23 (pour Mouvement du 23 mars) a repris les armes fin 2021 et s’est emparé de larges portions du territoire dans le Nord-Kivu dont Goma est la capitale. Ils ont récemment pris la ville stratégique de Mweso, à une soixantaine de km de Goma.
M. Tshisekedi, vainqueur controversé de la présidentielle de 2018, sollicite un nouveau mandat de cinq ans. Accompagné de son épouse, Tshisekedi est, lui, arrivé mardi à Bunia, dans la province voisine de l’Ituri.
“Faites encore confiance, donnez-moi le second mandat en vue de poursuivre nos différents projets”, a-t-il lancé depuis la grande tribune de la ville. Six jours plus tôt, M. Katumbi y avait aussi tenu un rassemblement, dans une ambiance festive et décontractée.
L’Ituri est en proie à des violences depuis 2017, et 1,7 million d’habitants y ont fui leurs villages à cause de massacres perpétrés par différents groupes armés.
Le prix Nobel de la paix en 2018 et candidat à la présidentielle, Denis Mukwege a pour sa part lancé sa campagne dimanche dans sa ville natale de Bukavu, dans le Sud-Kivu.
“L’homme qui répare les femmes”, son surnom hérité d’un documentaire qui lui a été consacré pour son travail auprès des femmes violées, s’est ensuite rendu à Butembo et Beni où il a été accueilli par ses partisans, dont de nombreuses femmes en tee-shirt frappés du numéro 15, position que lui a attribuée la commission électorale.
Dans les différentes étapes, le gynécologue de 68 ans a notamment promis de lutter contre la corruption, mettre fin à la guerre et à la famine. “Je suis un candidat de la paix (…) Ensemble, mettons fin à la faim et aux vices”, a-t-il insisté à Beni, fief des rebelles ADF, affiliés au groupe État islamique.
La campagne se déroule dans un contexte politique et sécuritaire particulièrement tendu. Un membre du parti de Moïse Katumbi a été tué mardi à Kindu (est) dans des affrontements avec les partisans du parti de Tshisekedi.
Candidat malheureux à la présidentielle de 2018, dont il continue de revendiquer la victoire, Martin Fayulu sillonne aussi la région. Mardi à Beni, accompagné d’un artiste musicien pour agrémenter son rassemblement, il a appelé la population à “barrer la route” à Tshisekedi accusé de jouer le jeu des agresseurs.
“Si vous votez (pour moi), nous allons doter Beni d’un camp militaire pour que le Rwanda et l’Ouganda nous respectent”, a-t-il lancé dans cette ville où les habitants n’avaient pas voté en 2018 en raison d’une épidémie d’Ébola.
Dans les différents discours, “on ne sent pas l’engagement réel de mettre fin à la violence”, d’autant que “les projets de société des candidats ne sont pas vraiment au rendez-vous du débat”, regrette Oswald Rubasha, expert électoral et coordonnateur de l’ONG Clinique électorale congolaise, basée à Bukavu.
(Avec AFP)