Le mercredi dernier, une table ronde réunissant des représentants de l’Ituri et du Nord-Kivu a annoncé une proposition unanime : la levée de l’état de siège. Ils ont transmis ce message au président Félix Tshisekedi, qui décidera alors de la voie à suivre. Que faut-il penser de cette réunion et de son résultat?
La table-ronde sur l’évaluation de l’état de siège, qui était attendue depuis longtemps, a été convoquée par le président Tshisekedi et animée par son premier ministre, Sama Lukonde. L’état de siège est impopulaire, en particulier dans ces deux provinces

Dans un sondage GEC/Ebuteli/BERCI de janvier de cette année, 86 % des répondants de l’Ituri et 74 % de ceux du Nord-Kivu ont déclaré que la situation n’avait pas changé ou s’était aggravée depuis la proclamation de l’état de siège en mai 2021.

Face à ce mécontentement, il est clair que le gouvernement a pris l’initiative de cette table ronde parce qu’il est prêt à envisager l’abandon de l’une de ses initiatives phares. Il avait initialement justifié cette situation exceptionnelle en disant qu’il ne faisait que répondre aux demandes des élus de ces provinces. Il est probable que ces assises serviront également de couverture au changement de cette mesure

Est-ce que l’état de siège a donc été un échec ?

Selon le Baromètre sécuritaire du Kivu (KST), un projet du GEC et d’Ebuteli, les niveaux de violence dans ces deux provinces sont aussi élevés qu’ils l’ont été depuis le début du projet en 2017. Au Nord-Kivu, en grande partie à cause de l’émergence du M23, le nombre d’assassinats de civils a été 46 % plus élevé au dernier trimestre 2022 que la moyenne de 2020, qui était déjà une année violente. En Ituri, où le Baromètre a commencé son travail juste avant l’instauration de l’état de siège, la violence a connu une escalade spectaculaire au cours de la première année du régime militaire, suivie d’un déclin puis d’une recrudescence au début de l’année 2023. Quelles que soient les causes complexes et multiples de ces tendances, il est clair que l’état de siège n’a pas pu arrêter cette spirale. Au vu des rapports faisant état de détournements massifs de fonds et du soutien apporté par les FARDC aux groupes armés, il semble que le gouvernement ait même aggravé le problème.

L’état de siège était une réponse inadaptée au problème de la violence dans l’est. Il a consisté principalement à restreindre les libertés civiles et à remplacer les administrateurs par des militaires. Mais la violence à l’Est n’a jamais été causée par un excès de libertés, ni par des autorités civiles nuisibles. L’un des principaux moteurs de la violence – la corruption rampante et les rackets au sein des forces armées – n’a été que exacerbé par le manque de redevabilité et de transparence qui a accompagné le régime militaire dans les deux provinces
Au contraire, il est probable que Tshisekedi ait pris ces mesures spectaculaires en partie comme un geste symbolique, pour signaler qu’il est prêt à prendre des mesures radicales pour faire face au conflit. C’était également un moyen de s’attirer les faveurs des hauts gradés de l’armée, un groupe qui devait ses positions et ses rangs en grande partie à son prédécesseur et rival, Joseph Kabila.

On ne peut qu’espérer que le gouvernement tirera les leçons de cette mesure pour élaborer une approche globale. Cela nécessitera un investissement dans l’économie locale, des projets de réconciliation communautaire, un programme de démobilisation, une diplomatie audacieuse contre les agressions étrangères – et peut-être avant tout, la réforme des services de sécurité pour offrir aux soldats des salaires et des conditions de vie décents, ainsi que rendre les finances et les opérations plus transparentes et responsables.
GEC

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