Le mercredi 5 avril, l’Union sacrée pour la nation (USN) a formalisé son existence : les chefs des partis et regroupements politiques ayant adhéré à cette plate-forme politique de Félix Tshisekedi ont signé une charte qui structure désormais la coalition présidentielle. Comment l’USN compte-t-elle s’organiser avant les élections prévues à la fin de cette année ?
À l’hôtel Pullman, ils ont été nombreux à venir adhérer formellement à la coalition qui soutiendra la candidature du président Félix Tshisekedi aux prochaines élections. Discours, applaudissements, et présentation du présidium de l’USN : le Premier ministre Sama Lukonde ; le vice-Premier ministre de la défense et chef du Mouvement pour la libération du Congo (MLC), Jean-Pierre Bemba ; le vice-Premier ministre de l’économie nationale et chef de l’Union pour la nation congolaise (UNC), Vital Kamerhe ; le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso ; le président du Sénat, Modeste Bahati ; et Augustin Kabuya, secrétaire-général de l’Union pour le développement et le progrès social (UDPS), parti du président.
Dans un premier temps, l’annonce des membres de ce présidium confirme une partie de la stratégie électorale de Tshisekedi : ranger des rivaux potentiels tels que Bemba ou Kamerhe derrière lui en les intégrant non seulement au gouvernement, mais également à la direction de la plate-forme présidentielle.
Mais la charte de l’USN, tout comme la charte constitutive du Front commun pour le Congo (FCC) de 2018, reflète également une double tendance dans la politique congolaise : d’un côté, une fixation sur des individus comme facteurs rassembleurs plutôt que des projets de société ou idéologies et de l’autre, une masse énorme de partis et de regroupements politiques hétéroclites qui, collectivement, engendrent l’instabilité au sein du parlement et du gouvernement. Car l’USN a vu le jour grâce, en partie, à des grandes défections du FCC : pourquoi ce même risque ne serait-il pas encore présent ?
Si Joseph Kabila était l’autorité morale du FCC, Félix Tshisekedi, lui, devient la « haute autorité politique » de l’USN. S’en suit pour tout membre de l’USN une série d’obligations et d’interdits autour de cette haute autorité : « Soutenir et défendre son leadership » et « s’abstenir de toute initiative susceptible de compromettre la réalisation » de sa vision (article 7). Parmi les fautes disciplinaires, on compte « tout comportement ou acte de nature à nuire à l’USN ou à sa haute autorité politique » (article 62). Le fait que cette haute autorité politique soit omniprésente dans la hiérarchie de l’USN remet en question son caractère démocratique.
Si la politique congolaise est caractérisée par des cultes de personnalité, cela ne se traduit pas dans une centralisation des structures politiques. Avec environ 600 partis politiques, la nécessité de créer de grandes coalitions présidentielles comme le FCC ou l’USN est le symptôme de la faiblesse des partis et de l’instabilité du système politique. La nouvelle charte de l’USN semble essayer de remédier à cette instabilité structurelle : hormis le fait de déclarer qu’elle compte assurer au président Tshisekedi une « majorité parlementaire stable et cohérente » (article 6), elle indique également que les signataires devront « accepter la liste des candidats retenus par les organes compétents de l’USN, et la soutenir » (article 7). Mais avec l’introduction du seuil de recevabilité au côté du seuil de représentativité, l’USN aujourd’hui, comme le FCC hier, va devoir créer plusieurs regroupements politiques en son sein, sans pour autant avoir la possibilité de se garantir une majorité parlementaire cohérente et stable. N’étant qu’une plate-forme sans personnalité juridique, elle risque d’être soumise à la transhumance des partis et regroupements politiques : cette transhumance qui, par ailleurs, a permis sa propre création. Garder l’USN intact risque, donc, d’être coûteux.
Le président Tshisekedi réussira-t-il le pari ?
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